vendredi 4 mai 2012

Tubérocuir






C’est une commande : une adepte de fleurs blanches sous toutes leurs formes surtout les plus vénéneuses, affriolantes et "oh gorgeous" (lys, gardenia, tubéreuse..) m’avait demandé au débotté de lui faire un lys, tandis qu’une autre corsait l’exercice en me parlant de sa quête d’un lys cuiré. N’ayant aucune idée de la façon de créer un lys en parfumerie je me suis lancé à l’aveuglette.
Le résultat : une tubéreuse qui s’est avérée passablement cuirée.
D’abord surnommée Lys raté et devant son succès, j’ai décidé de la retravailler en oubliant le lys et en donnant sa chance à la plus garce des fleurs.

Premier constat : la tubéreuse et le cuir font merveilleusement bon ménage. Les notes chair faisandée de la tubéreuse s’accrochant très bien au cuir safrané. Le cuir agissant comme un fourreau pour la dévoreuse. Le tout n'est pas franchement subtil, presque brutal même et assez rock&roll.

L’accord cuir vient essentiellement de la safraléine (une très belle molécule Givaudan a mi-chemin entre le daim et le safran) et de l’isobutyl quinoleine (IBQ : le cuir vert de Bandit and co).  Le tout est soutenu par une matière naturelle, le cypriol (qui rappelle la moiteur et la tige de la fleur) et du castoreum (reconstitution).

Et l’absolue tubéreuse est expansée par de l’aurantiol  (une base de Schiff c’est-à-dire un hybride de deux molécules accouplées, l’hydroxycitronnellal –muguet- avec de l’anthranilate de méthyle présent dans la plupart des fleurs blanches, ce qui donne une molécule florale à mi chemin entre fleur d’oranger et tubéreuse). Le méthyl laitone à l’odeur de noix de coco laiteuse donne à la tubéreuse son opulence tandis que la gamma décalactone  lui apporte un côté fruité pêche tout en contribuant à cuivrer le cuir.  D'autres fleurs viennent prêter main forte à la tubéreuse: jasmin et surtout ylang ylang.

Les notes :

Bergamote, davana, muscade (pour une touche épicée sèche qui rappelle le cuir).
Tubéreuse, ylang ylang, jasmin.Cuir.
Santal, patchouli, vétiver, mousse de chêne et muscs. 

Dans une seconde version, j’ai boosté les muscs pour avoir plus de tenue et remplacé la vraie mousse de chêne interdite par de l’evernyl un succédané synthétique plus sec et poudré.
C'est une formule assez courte, sur certaines peaux de cobayes le cuir domine et sur d'autres la tubéreuse lactée est plus puissante. Je n’ai aucune idée si je respecte les quotas Ifra, sans doute pas et à vrai dire l’idée de transgresser est assez plaisante. En tout cas, Tubérocuir est avant tout un exercice assez fun, un collage façon cuts-up à la William S. Burroughts qui transgresse les genres et s'aventure en Interzone.



Photos: Robert Mapplethorpe.

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