lundi 25 juin 2012

Nouveauté Vero Profumo: Mito



Il y a parfois des miracles dans la vie d'un parfumista, quand parmi des centaines de jus plus ou moins attrayants, bien conçus, pas mal, oui mais bon; au détour d'une simple touche sous le nez, le testeur se retrouve propulsé ailleurs et c'est l'épiphanie.
On connaissait déjà le pouvoir évocateur des créations de Vero Profumo, mais découvrir Mito, sa nouvelle vision prévue pour septembre, c'est prendre son ticket pour ailleurs, en douceur et avec ravissement.

Et là, quelle joie! quelle lumière! 
D'abord un citron fruité zesté vert, très frais et lumineux, hyper naturel, des notes d’agrumes juteuses et éclatantes (les agrumes sont soutenus par des aldéhydes discrets qui font briller la composition).
Des notes vertes, du galbanum, vif  juste ce qu'il faut. 
Un jasmin très doux, lacté et surtout un  magnolia rose magnifique qui forment le cœur épanoui de ce petit bijou olfactif. 
On entendrait presque les oiseaux chanter.

En se promenant dans ce jardin des merveilles, guidé par Vero Kern, nous croisons donc tour à tour des arbustes verdoyants, un magnolia en fleur, tout en majesté et diffusant son parfum tendre, lacté et frais à la fois, des citronniers chargés de fruits. Plus loin une touche fruitée, une impression d'abricot, de pêche veloutée, presque  poudrée. Plus loin encore un petit ruisseau courre bordé de jacinthes d'eau et de figuiers. 
Des éclats des rire de demoiselles à ombrelles, des alcôves et tonnelles et les mandolines en concerto de Vivaldi, Il giardino armonico. 
Et la fraicheur éthérée des fontaines au loin qui nimbe le jardin assoupi  et Mito d'un voile  de joie sereine et d'insouciance. 



C'est la Villa d'Este près de Rome célèbre pour ses jardins à l'italienne qui inspira la créatrice et ça se sent: Mito est gorgé de soleil, tendre et rayonnant, transparent et plein de vie.

Il y a une vraie évolution dans le style de Miss Kern qu'on reconnait cependant immédiatement aux évocations qu'elle a l'art de procurer et qui nous transportent avec beaucoup de délicatesse cette fois-ci.  C'est par la luminosité toute particulière de ces jardins d'Italie qu'elle nous saisie. Simple, désinvolte et rieur, à la fois vif et apaisé grâce aux notes hespéridées qui survolent le cœur floral aérien et quasi alangui, Mito est un vrai bonheur.
Sur ma peau la fraicheur citronnée dure très longtemps, avec une impression de bonbon acidulé et il a quelque chose de vraiment reposant.
Le bouquet floral est un délice de poésie tranquille et limpide et la note de pêche  est tout à fait jouissive pour le fanatique de chyprés fruités anciens que je suis.

Car en glissant doucement vers le fond, on se dit qu'elle a peut-être gardé la plus belle surprise pour la fin, quand dans un frisson d'extase on murmure: c'est un chypre!
On en reconnait la structure mais c'est vraiment le côté lumineux et léger du chypre qui est mis en avant et  je suis totalement conquis par cette douceur! La mousse de chêne qui souvent assombrie les compositions, est en retrait (Ifra oblige) et la base  est soyeuse, élégante et moirée.
Un petit côté Diorella ou L'eau fraiche de Dior à la grande époque et Roudnistka dans l'élégance aérée, l'inspiration des grands anciens: Vol de Nuit, Mitsouko ou Vent vert; Mito se pose là et n'a pas à rougir de ses filiations prestigieuses. C'est un bien bel hommage et un travail audacieux sur le genre. 
Au porté, l'élégance est là, discrète et tenace, comme une aura, un voile de nymphe des jardins absolument réjouissant!

Vero ayant eut la gentillesse de m'offrir deux échantillons, je vous invite à laisser un commentaire et tirerai au sort un(e) heureux(se) gagnant(e) qui pourra découvrir Mito en avant-première. Et pour ma part, il me faudra un flacon!

Et l'heureuse gagnante est ... Géraldine. Merci à tous pour votre participation et j'espère que vous aurez l'occasion de découvrir Mito très vite.




Illustrations: Eugène Bideau Paon et colombes dans un jardin. Vidéo: Il Giardino armonico joue Vivaldi, concerto pour deux mandolines RV425

dimanche 10 juin 2012

My sin / Mon péché, Lanvin





1924.  Madame Z. la mystérieuse Madame Zed russe parfumeuse, crée pour Jeanne Lanvin styliste, décoratrice et femme d'affaire, un parfum qui deviendra légendaire: Mon péché, My sin pour les américains bientôt, un floral aldéhydé comme c'est la mode; la Chanel a déjà sorti son 5, il faut suivre et se démarquer. Pour cela, Lanvin quitte le filon des parfums carnets de voyage qu'elle affectionnait jusqu'alors pour lancer une composition complexe, un parfum de trouble et d'intimité crue. 
Mon pêché n'est pas mignon, il est intime, terriblement. 

La désormais classique ouverture  d'aldéhydes vives et claquantes est plus en retenue que l'archétype  N°5 et ses grandes pompes,   elle est soutenue par une bergamote et surtout de la sauge sclarée et le néroli qui s'annonce. Le coeur est un bouquet  fleuri doux et feutré où la fleur d'oranger aux accents de mauve un peu encre, du jasmin, de l'ylang crème, une rose discrète et vaguement épicée de girofle, se mêlent pour brouiller les pistes et nous mener droit au fond si particulier de My sin: un lit de muscs sec, boisé de santal et de cèdre, enroulé dans du baume tolu, du styrax et de la civette. Musqué, savonneux, poudré, boisé, insaisissable et déroutant.

My sin porte en lui les traces d'histoires quotidiennes mises au jour,  de péchés quotidiens : un froc qui pend sur le rebord du lit, un corsage dégrafé, du linge qui traine, un reste de poudre sur le chemisier, une culotte oubliée, de la salive sèche sur la peau, un fond de savon croupi qui fond dans sa savonnette oubliée sur le bord de la baignoire, le bac de linge qui fut blanc trônant à coté, attendant l'heure. Il y a de la culotte qui a servi là-dedans, de la dentelle marquée du jour, une lessive louche qui sèche, durcissant au soleil d'avoir vu trop peu d'eau. Il flirte sans cesse avec la souillure, entre propre et sale. Ce n'est pas tant qu'il soit animal, c'est plutôt qu'il dévoile, sans jamais déballer la marchandise à la Tabu. La civette est fondue au reste, comme un relent de saleté qu'on saisi par inadvertance et qu'on est pas bien sûr d'avoir senti et qui attise la curiosité, l'envie, le désir.
Un parfum trouble décidément. 


L'extrait est absolument divin, dense et mystérieux. Les notes de tête le rapproche du N°22 de Chanel avant de bifurquer sur un cœur floral doux et poudré déjà, où perce une pointe de lilas parmi la fleur d'oranger  l'ylang et le jasmin. Le sauge sclarée me fait littéralement fondre en douceur avec ses accents de pomme fraichement coupée. Il y a surement de l'iris aussi qui assèche et enracine le bouquet et donne une tendance poupée de cire à l'ensemble. 
L'Eau de My sin est plus clairement savonneuse dès le départ, légère et plus axée sur la fleur d'oranger, l'anthranilate de méthyle commun à la plupart des fleurs blanches est clairement perceptible et accentue le côté encre mauve. Puis les deux plongent dramatiquement vers ce fond qui fait tout le prix de Mon péché: boisé musqué poudré à tendance savonneux. Animal par vague, et érotique en diable.

La production a été arrêtée en 1988, mais on en trouve encore ici et là quelques flacons, surtout l'Eau en vente pour des prix relativement raisonnables. Ou alors il faut par hasard tomber comme je l'ai fait, sur une parfumerie oubliée, hors d'age et dénicher, ô miracle, un flacon abandonné dans un coin qui n'attendait que moi pour faire son office.


Photo: Bette Davis dans" Of human bondage" 1934. Extrait et Eau de My sin, coll perso.