vendredi 7 février 2014

L'Eau Scandaleuse




Il était une fois un rêve, celui d'une créature charnelle exubérante traversant l'atelier obscure et austère d'un antiquaire. Où parmi les fauteuils en cuir râpé et les vieux livres parcheminés se glisse furtivement un bouquet de fleurs sauvages et bestiales. 
Ce fut le point de départ, concilier deux mondes a priori opposés : une tubéreuse insolente, la reine des garces fleuries avec la patine d'un cuir sec et tendre, animal et racé. Comme une danse, un combat. Tantôt l'une gueule sa gouaille, tantôt l'autre claque son fouet. Puis quand on croit qu'ils s’essoufflent, la chair de la tubéreuse s'emmêle à la peau sèche du cuir et le duo s'alanguit sur un tapis mousseux quasi chyprien. 
Voici L'Eau Scandaleuse, mon deuxième parfum. 



Elle est  rock and roll, elle en fait trop : 5% d'absolue de tubéreuse, du jasmin, de l'ylang en renforts, c'est beaucoup, c'est énorme, c'est cher et très chair. Scandaleusement.
D'abord une bergamote rapide, du davana liquoreux et fruité qui jouxte une note de pêche hommage à mes chyprés adorés. Le trio de fleurs, tubéreuse en vedette monte en puissance tandis que déjà le cuir perce et ramène son velours sec et moelleux. L'accord est saupoudré de mousse de chêne, soutenu par du castoreum, animal cuir et fleuri à la fois, et du cypriol nagarmotha, une genre de patchouli cuiré. 




Créer ce parfum ce fut  une bataille pour arrondir les angles, gommer les aspérités et les aspects gueulards de l'un et de l'autre pour les laisser faire connaissance et s'accoupler. Parce que oui, les notes chair en décomposition de la tubéreuse s'accordent merveilleusement à la peau tannée du cuir, l'animalité de l'un et  l'autre se répond et s'emboite. Le végétal de la fleur se marie au vert rêche de l'IBQ, matière cuirée par excellence. La douceur et l’opulence des lactones se pose naturellement sur le tapis de daim souple du suederal, une base fantastique d'IFF. Et l'on découvre que le mariage diabolique est naturel.
Ce fut un long combat également pour trouver le bon flacon, la belle boite et aller jusqu'au bout de la création. Que dire sinon que je suis on ne peut plus fier et encore plus abasourdi et profondément touché des réactions que provoque mon Eau Scandaleuse. 



Le flacon est disponible en 50ml au prix de 90 €. 
Pour plus de renseignements c'est ici : anatole.lebreton@gmail.com



Photos : La première est de Dau (avec en prime un article magnifique, merci très cher). La seconde et la dernière sont de moi et instagram bien sûr, et la troisième de Rfablarage que je remercie également.

dimanche 2 février 2014

Alliage d'Estée Lauder, 1972.




Nouvelle année, nouveau billet. 
J'ai souvent écrit sur des parfums dévergondés, des parfums culottés voire carrément déculottés et plutôt du côté poule de luxe du curseur olfactif ; Alors une fois n'est pas coutume pour bien commencer et reprendre langue (oui, cela se dit c'est chic non ? ) et après une interruption de près de deux mois, voici dans le genre propre et sportif : Alliage.  
Un chypré vert, aromatique et savonneux, typique des années 70 à la sauce Lauder c'est-à-dire avec une voix forte, qui porte et longtemps. 

A la vaporisation on est emporté par un galbanum giclant arrosé d'aldéhydes. Les facettes fruitées du galbanum sont supportées par une touche de pêche et des agrumes discrètes. Les aldéhydes font l'effet du vinyle en peinture ou de la 3D au ciné, ils rendent tout plus lumineux en rayonnant et offrent un volume impressionnant, ici ils donnent de l'air et un aspect propre dont la suite ne se départira pas.

Des notes vertes aromatiques (thym, pin, un peu sauge à mon nez),  bucoliques à souhait, sont soutenues par un joli fleuri humide, zen, sabre et buisson de thé. Une amertume jouissive, des accents métalliques qui se fondent magnifiquement sur une base mousse vétiver et même de la myrrhe un peu baumée. 

Une classe folle pour ce  parfum qui respire, qui sent bon le plein air, et qui m'évoque un métal argenté avec des iridescences vertes claires. Lumineux, souriant et même carrément ultra bright.   Le parfum de l’américaine idéale, la super woman athlétique, grande et un peu carrée avec un caractère bien trempé et un sourire carnassier.

 Ce n'est pas un parfum réaliste,  c'est un parfum concept, abstrait  qui évoque plutôt une ambiance.  Et j'imagine un court de tennis et les drôle de dames en micro short blanc immaculé qui courent après la balle en riant, jamais décoiffées, increvables. Alliage n'est pas spécialement froid, mais il a quelques chose d'une peau nue frissonnante et un peu humide de sueur après l'effort.

Alliage, réveillez la Jill Munroe qui est en vous. 



Photo : celebrityphoto.com